par Myriam Cau
La notion de voisinage mêle relations humaines et espace habité. Elle interpelle profondément le travail de l’urbaniste et lui impose un cahier des charges : créer toutes les conditions favorables au “bon voisinage”. Il s’agit de rendre possible les relations humaines sans entraîner l’obligation de les subir. Cela inclut la recherche de compatibilité des activités urbaines avec la qualité résidentielle. La notion de voisinage s’ancre dans celle de territoire: un territoire des “proximités” permet l’appropriation de son environnement avec une forme suffisante de familiarité et de sécurité, et va souvent de pair avec un sentiment d’appartenance, celui du quartier ou du village.
Que deviennent les voisinages quand les pathologies urbaines l’emportent et qu’il faut cohabiter avec le bruit, le trafic de drogue, la dégradation des espaces publics ou leur inhospitalité ? On peut penser que le “bon voisinage” se niche encore dans les quartiers dysfonctionnels, pourtant stigmatisés au point que l’on en vient à imaginer leur démolition pour en venir à bout. L’histoire, la singularité, l’entraide, la communauté de destin offrent de surprenants exemples de résilience ou d’attachement par devers tout. Cela constitue une incroyable force dont les urbanistes sont redevables : réparer la ville, au plus près des voisinages et des territoires de proximité.
Le logement, en tant que politique publique, en tant que part bâtie dominante de nos villes constitue le support premier des relations de voisinage et de la réflexion un urbanisme des proximités. Il conditionne les conditions de vie autant de l’habitant que du travailleur, du consommateur et du citoyen. La mixité sociale, totem des objectifs de l’État, toujours recherchée, parfois atteinte ne provoque pas pour autant les effets attendus, car comme l’indiquent les chercheurs “programmer la mixité sociale ne suscite pas des relations de voisinage plus intenses”. Le “voisinage” est un lien faible et électif. Nul n’est tenu de nouer des relations avec ses voisins. L’intense crise actuelle du logement est source de tensions et mal vivre, et le mouvement vers une densification des tissus urbains existants crée une situation encore plus complexe. Elle oblige les acteurs de la Ville à revendiquer une exigence accrue d’adaptation fine aux contextes et de recherche de qualité résidentielle. Rendre possible les relations sociales sans en imposer les contraintes participe de la conception de logements dedans/dehors, de leur relation à la ville, à la rue, à l’espace, avec leurs aménités. Tout un programme …
Que devient la proximité à l’échelle des territoires vécus, ceux des métropoles, des migrations pendulaires, ceux des ruralités mal desservies ? Faut-il désormais la penser en termes de flux, de chrono-urbanisme ? Peut-on vivre de façon éclatée les usages de la ville, le rapport avec les autres, l’accès aux services, les lieux de la rencontre ? Que serait un urbanisme des proximités, existe-t-il un optimum à rechercher ? Comment le décliner en termes d’égalité des territoires, d’allocation de ressources, de confrontation avec les dynamiques d'attractivité ? Quels sont les outils pertinents pour planifier, organiser, mettre en débat un urbanisme des proximités ? La recherche d’un idéal à favoriser revient au goût du jour avec la ville du quart d’heure aujourd’hui, mais hier la cité-jardin ou l’unité d’habitation constituaient les modèles inspirants… Il est possible que l’on abuse des modèles, si l’on considère que réussir l’urbanité requiert un patient travail qui tire parti des circonstances pour aboutir à des lieux justes pour des moments heureux. Il est difficile d’évaluer le rôle des marqueurs de l’espace (place, mairie, café, église, équipement…) pour construire une idée de la proximité, la puissance de l’idée symbolique du village en ville perdure en même temps que l’espace s'élargit au village planétaire. Les défis écologiques nous placent en situation d’interdépendance généralisée. Éloignement ou proximité, nous sommes condamnés à raisonner en voisins à une échelle qui dépasse l’entendement ordinaire. Quel défi pour les urbanistes ...
QUELQUES ÉCLAIRAGES
L'AGENCE D'URBANISME D'ORLÉANS A DÉFINI ET CARTOGRAPHIÉ POUR SON SCOT LA VILLE DES PROXIMITÉS
Le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) de la métropole orléanaise appelait de ses vœux le développement d’une ville des proximités, sans toutefois la définir, ni la cartographier… Fort de ce constat, dès le début de la révision du SCoT, l’agence d’urbanisme Topos a proposé de répondre à ces questions : la proximité c’est quoi ? c’est où ? Pour cela elle a développé un outil cartographique qui définit et localise la proximité.
MIEUX COMPRENDRE LES DYNAMIQUES DE VOISINAGE
Jean-Yves Authier, Loïc Bonneval, Joanie Cayaouette-Remblière, Anaïs Collet, Josette Debrous, Laurence Faure, Isabelle Mallon, Karine Pietropaoli
Les relations de voisinage ont fait l’objet d’une vaste enquête en 2018 conduite par une équipe de chercheurs de l’université de Lyon 2 avec l’appui de l’Institut national des études démographiques (INED). Un séminaire, fin 2017 avec les bailleurs sociaux engagés dans la démarche, a soulevé les principales problématiques que pose le voisinage pour que la recherche s'emploie à les éclairer. Au final, les auteurs ont exploré des notions souvent difficiles à qualifier à travers toute une série d'articles scientifiques :
Représentations et pratiques du voisinage
Visites et échanges de service entre voisins
Conversations
Conflits et troubles de voisinage
les voisins des semblables ?
Les réseaux de voisinage
Des voisins au quartier, représebtatiosn et appréciations
Les pratiques du quartier
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